La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 2 novembre 2009



CNOTAPHE

à ceux qui sont partis en fumée, à ceux qui sont parts, abandonnés, à ceux que l'on appelle et qui ne répondent plus, aux morts en cette journée qui leur est consacrée. Seule la Mer pouvait laver notre peine,ce soir


Je me promenais sur le bord du lac de Genève avec une amie. Elle se disait, souffrante. Écrivain de talent, elle craignait que son mal ne contamine ses mots, ma pensée, mon point de vue. Elle prenait l'avion dans trois heures et nous devions rendre la voiture de location avant son envol pour l'Algérie. Sonia était neuro-psychiatre dans un grand hôpital d'Alger. Insomniaque, elle tuait le temps sur des blogs à longueur de nuit et le jour, elle passait son temps à secourir de pauvres hères qui lui dévoraient la vie.

Sonia me prit la main et s'arrêta. Elle me faisait face, et me planta son regard noir dans le fond des yeux. Je la savais, inquiète, fragile. Je la sentais emportée pas ses tempêtes, ses doutes. Elle abordait très mal le tournant de la cinquantaine.
- tu me comprends, Jean
- parfois, non.
- Je sais, mon passé embrouille tout. Tu crois que je devrais raccrocher?
- Bien sûr que non. Tes mots sont forts mais l'écoute est différente. Elle est volatile, un oiseau, peut-être. Elle est labile. A moins que ce ne soit ton discours que tu agites comme un chiffon rouge au nez d'un taureau. Rien ne me gêne dans l'écoute, tu le sais. Je maîtrise cet art.
- La surface de ce lac est limpide et immobile, répondit-elle et rien de semble atteindre sa tranquillité. Tu pense comme moi ?
- ... ?
- Excuses-moi, continue...
- Oui... Entre nous, l'air, la vibration, la couleur de ta peau, les yeux, les lèvres, les dents, les cheveux.
- Tu penses ça ?
- Les attitudes parlent, Sonia, les attitudes, aussi. L'oralité touche l'oreille, porte étroite de la sensualité.

Le temps se couvrait, virait au gris. Jean regardait le visage expressif et mobile de son amie.Il percevait le frémissement des ailes de son nez parfait.
Jean aimait cette beauté forte., cette vitalité débordante mais il s'en méfiait.
Il continua.
- le mot est glèbe, glaise, glaive. Il est du livre, comme toi ou moi. Il est l'indispensable pause des voyageurs que nous sommes. Il est oasis, désert de pierres, Sahara. Il saigne, il est menstrues, bandaison, platitude, érection, comme les pierres levées de Carnac. Noir, ce mot devient lieu de pélérinage, concentrique prière. Le mot est ce que nous sommes, entre culture et faiblesse, révélations et mensonges, entre silences et logorrhées.
- Logorrhées, mes mots écrits ?
- enfin, je veux dire mélopées. Voila ce qu'est le mot, tueur de certitudes, ébranleur de socle. Il est, subversif jusqu'à la concordance, hésitant dans la balance, amoureux de l'ombre ou se tortillant au soleil, nu comme un ver. Il est l'enfant entre tes cuisses, du cri primal à la trahison. Il est le dernier regard lorsque la tête tourne et s'incline, puis se lâche dans un dernier mouvement et tombe pour te quitter.
Il est l'adieu.
Il est la vie
Il est pour nous, l'amitié. c'est pour cela que je l'aime.

Sonia ferma les yeux; Mes morts...ils viennent à moi. Elle serra les mains de jean pour résister à la syncope. Ses larmes coulaient, libres, comme elle.

Nous ne changeons que très rarement les êtres, nous ne pouvons que les aimer ou les quitter.


J'ai écrit ce texte en ce jour des Morts, loin des miens, dans la peine des éloignements des nôtres. Nous avons aussi le droit au respect et aux larmes de silence. Nous ne mesurons jamais la force des mots. Ils peuvent tuer. Ils peuvent aimer, aussi. J'ai choisi la seconde solution. La semaine qui vient sera d'éloignement et de retrouvailles. Il n'y a pas de place entre nous, simplement à côté de nous.

Roger Dautais
"Avant le départ"

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.