La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

samedi 4 septembre 2010












du sang, des cendres et des larmes...





La pointe du Hoc est mon objectif à atteindre pour aujourd'hui. Je vais essayer de m'en approcher au plus près pour réaliser une série d'installations land art. Je quitte la région de Caen et roule nord-ouest en traversant la campagne Normande. Depuis que nous habitons cette région, je pratique souvent le land art sur ces plages du Débarquement. Elles me sont devenues familières mais jamais je n'oublie qu'elle furent l'objet de combats sanglants menés pour délivrer notre pays et l'Europe du joug Nazi. Cette fameuse pointe du Hoc, située entre Omaha beach et Utah Beach, secteur pris d'assaut par les troupes Américaines, était , selon les renseignements, pourvue d'énormes pièces d'artillerie qui défendaient les deux plages, du haut des 30 mètres de falaises, surplombant une petite plage de galets a peine large d'une quinzaine de mètres.
Deux cent vingt cinq Rangers montèrent à l'assaut de cette artillerie lourd, dans la journée du 6 juin. Le soir même, cent trente cinq de ces hommes avaient perdu la vie. Les officiers, mal renseignés s'aperçurent après les combats que ces fameuse pièces d'artillerie avaient été déplacées de 1,5 km, en retrait, en pleine campagne. Ceci laisse à réfléchir sur le prix du sacrifice humain .
A quelques kilomètres d'Omaha Beach, je quitte la quatre voies, remonte vers le nord , en direction de cette plage historique, oblique ensuite à l'ouest vers le petit village de Cricqueville en Bessin. Le paysage n'a pas changé depuis le 6 juin 1944 et pour peu que l'on connaisse l'histoire de cette époque, il est aisé de reconstituer quantité de scènes sur ce théâtre d'opérations.
La route emprunte la corniche et j'aperçois bientôt le chemin qui mène à la plage. Le ciel est
menaçant. Il fait assez frais et le vent accompagnera ma journée. Je gare ma voiture sur la falaise et je descend vers le rivage L'estran est constitué de dizaines de milliers de cailloux, dont les plus gros affleurent en surface. Une petite pluie fine commence à tomber. Le sol devient aussitôt glissant. La pointe du Hoc est à ma gauche, vers l'est mais caché par une falaise. Mes yeux sont attirés par une très grosse pierre noire de plusieurs tonnes qui trône au beau milieu du haut de cette plage, et je me dirige vers elle, orientant ma progression vers le nord-est. Mes pensées vont à Pier Mayer Dantec, poète entendu le matin même interviewé par Brigitte Maillard sur Radio Alligre et dont la poésie se traduit dans ces pierres de silence élevées pour lui. Je quitte cette première installation et reprends ma progression vers l'est. Je vais élever des guetteurs, plus ou moins grands, solitaires ou en groupe jusqu'à voir la Pointe du Hoc. Ici, le sang versé par les braves n'a pas vraiment séché, les cendres des morts ont amendé la terre Normande et les larmes des héros ont salé la mer. Ici, les cris, les dernières paroles, se sont à jamais inscrits dans les pierres, qui 65 ans après, sont devenues des témoins muets de ces combats. Je suis traversé par la pluie qui s'intensifie et je trouve normal que ce travail devienne plus pénible. Quand il pleut, le regard se resserre, le geste devient plus précis, plus lent, le danger augmente de tomber. Le corps se fait hommage et l'installation, porteuse d'intentions. Les charges sont lourdes à porter et pourtant, j'ai l'impression que ces pierre me comprennent car elles se dressent et restent plus facilement en équilibre que d'habitude.
J'aperçois la Pointe du Hoc, qui appartient maintenant aux Américains. Difficile d'approcher plus près si l'on veut respecter les travaux qui s'y mènent pour consolider cette falaise, qui s'érode et disparaît un peu plus, chaque jour.. Je m'arrête une dernière fois pour l'observer. La pluie a cessé et un soleil généreux vient l'éclairer. Des images surgissent dans ma tête. Pourquoi toutes ces guerres inutiles et tant d'argent dépensé sur une planète qui mériterait d'autres luttes, ne serait-ce que celle pour faire reculer la faim dans le monde.
J'installe trois derniers guetteurs. Ils resteront en place face à la Pointe du Hoc, en hommage aux disparus, avant d'être eux mêmes balayés par les flots.
Je ne reviens jamais indemne de ces expéditions mais comment ne pas y penser, à moins d'être inconscient. Ma petite enfance se déroula dans la banlieue de Saint Nazaire et les bombardements ont du marquer mon inconscient qui se réveille sur tous ces terrains où la guerre marqua les populations pour plusieurs générations. Sans vouloir en parler systématiquement, je pense qu'il est bon de le rappeler de temps en temps.



Roger Dautais

Photos 1,2,3,4 site de la Pointe du Hoc, Normandie.
Photos 6,7,8, Bretagne
Photo 9 Normandie






à Marie-Claude



Il faudrait trouver la faille entre les rochers bruns. Il faudrait semer le doute et voir pousser une petite plante. Au bord de tes larmes s'ouvrait un océan d'amour. L'ivresse des profondeurs t'entrainait vers l'au-delà et tes yeux perdaient pied au soleil couchant. J'aurai dû comprendre tes appels mais la distance grandissant entre nous, ton cri devenait muet, mes paroles ne sortaient plus de ma bouche ensanglantée. Mes ongles ont griffé le sol pour te chercher dans les pires cauchemars. Tu n'étais plus qu'un tas d'humus chaud et humide. Je sentais ton âme délaissée s'embarquer sur un radeau de fortune et naviguer au tréfonds des saisons. Je dévorais la neige à m'y noyer.Mon corps ne suffisait plus pour vivre. Je le quittais pour des voyages acides sans idée de retour.
Du plus chaud des printemps, je désertais les jours. Rien ne retenait cette descente. Alors ils sont venus me crier de tout lâcher, tout abandonner. Ils m'ont dit que la route, c'était fini et l'herbe aussi. Ils m'ont jeté dans des culs de base fosse pour que je comprenne et que j'oublie toute cette merde. Je n'écoutais plus rien. Je ne voyais qu'une luciole dans cette nuit d'encre et je me suis mis à marcher vers la sortie.
Les autres, ils étaient morts, ils avaient disparu dans de mauvais trips., les mauvais alcools où le corps rende l''âme avant l'esprit. J'ai vu passer leurs cadavres chariés par les eaux boueuses du fleuve-vie.
J'ai entendu la complainte des veuves,les larmes des gosses. Il fallait comprendre que la vie était au soleil, non dans les ténèbres.Il fallait abandonner une partie pour en reprendre une autre.
Sous la mousse dormait ton corps en léthargie. Corps-humus en attente d'un souffle, d'un signe. Je me suis allongé à côté de toi, prêt à partir mais la vie nous a fait basculer du bon côté. Le tambour du monde s'est remis à battre dans nos poitrines. Il fallait attendre que l'espoir renaisse, qu'une petite pousse veuille bien naître et marquer notre vie. Et puis, elle est venue, enfant de l'amour après le tumulte parce que la vie se présentait comme ça et qu'il fallait continuer à avancer, autrement.
J'ai ouvert la fenêtre pour regarder Orion. Le grand sablier avait tourné et nous offarit une pincée de sable, une petite éternité de vie à se partager. Tu as remis des nappes sur la table et des fleurs dans le vase. Nous avons presque vécu presque toute notre part de sable et j'aimerai que le sablier tourne encore au moins une fois.
Le rêves ne s'arrêtent pas. Bons ou moins bons, ils remontent à leur guise et la vie ne s'efface ni ne s'oublie. Si maintenant j'aspire à plus de sérénité je ne peux oublier mon passé. Nous irons où le destin nous envoie, maintenant, unis pour le meilleur et pour le pire.

Roger Dautais







TU TE TAIS POUR DEMAIN

et peut-être
aujourd'hui.

Pour le demain le plus lointain
qui soit nôtre pourtant

sous la berge un soleil
invisible accompli
à tes côtés un voyage inutile.

apatride est l'univers
à présent.
Docile la beauté, emplie l'étendue

de l'absence, efface

Le lieu natal
de la lumière.



Gérard Bayo ( Km 340)

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.