La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 12 janvier 2011














This land is your land... for you and me

chantait Woodie Guthrie...



à mes parents qui reposent en terre Bretonne...




Il gèle.Je marche depuis une heure, sac au dos et je n'arrive pas à me réchauffer. Je vais bientôt quitter la route pour traverser le grand terrain vague qui reçoit parfois les gens du voyage. Je franchis une haie. Me voici à pied d'œuvre. Dans dix minutes je serai à l'ancienne voix ferrée qui mène aux petits marais. Le terrain vague est vide. Les gitans ont décampé, sans doute priés d'aller voir ailleurs...Toujours ailleurs. Un morceau de tissu, pris dans la glace, attire mon attention. Un morceau de robe gitane? Je vais en faire une spirale parmi des chutes de fil électriques. Il faudrait mieux connaitre l'histoire de ce campement disparu. J'ai en mémoire, les paroles de maman, franchissant la ligne de démarcation pendant la guerre : -
Tu sais, nous avons eu si peur, papa et moi. Je m'étais habillée de tout ce que je pouvais porter sur moi. Ils ( les passeurs) nous faisaient nous coucher dans la boue, ramper, sous les barbelés, en pleine nuit. Lorsque nous sommes arrivés de l'autre côté, j'étais en lambeaux. J'avais tout perdu mes habits et Papa
aussi. Ils nous avaient pris tout notre argent. il nous restait la vie... Après, je devins leur premier enfant. Leur peur, je la porte, leur exode, est encore le mien, plus de 68 années après et les terrains vagues, les barbelés, les vêtements abandonnés, déchirés, sont autant de rappels à leur histoire tragique. Une histoire qui se continue, à nos portes, pour d'autres "pourchassés". Quand cela se terminera-t-il ?
Je traverse le terrain vague. Le froid change les bruits, même le chant des oiseaux est différent. J'arrive à la voie ferrée. Bien longtemps que je n'ai vu de train sur cette ligne. Je vais travailler, ici et autour de cette voie de chemin de fer, à la recherche d'inspiration. This land is your land...for you and me. Je fredonne cette chanson de Woodi Guthrie tout en commençant mon travail. Petits cailloux blancs déposés sur le rail usé, comme une trace mémorielle. Mon enfance me rattrape. Plus loin , ce cercle de pierres comme les faisait ma fille dans son enfance. Nos ressemblances. J'avance. Plus loin une fente sur la traverse ressemble à un masque africain que je vais orner de fougères. Il faudrait, aux goûts de certains, arrêter la machine à rêver mais ce n'est pas possible. Ce n'est plus possible. Le hauts murs ont développé en moi ce besoin permanent d'évasion par la création. Vous ne pouvez pas comprendre. Vous n'avez pas vu l'insoutenable. Vous n'avez pas entendu les cris, le grand silence blanc. On n'oublie rien du tout. Cela revient, pendant ces moments de solitude et là, je ne suis bien que dehors, dans la nature, pour la sentir, la voir, la toucher, la laisser m'inspirer, entrer dans la terre avant l'heure. C'est un peu mourir au grand chaos, à cette vie moderne et trépidante qui ne me va pas, que d'aller vers ces moments là. On ne peux pas expliquer cette alchimie si particulière. On dirait que je fais partie du paysage, comme un plongeur en apnée fait partie du monde du silence. C'est un peu ça. Oui, un peu ça.
Je lis, ici et là, des compte-rendu land-art aussi secs que des PV de gendarmerie. Aucune sensibilité. Rien ne dépasse. Tu as tout, la hauteur, le poids, la circonférence, le relevé par satellite, le nom botanique de tout ce qui est montré et la leçon pédagogique en plus. C'est leur truc. Pas le mien.
Je continue à vivre vraiment à ma façon.
J'ai ramassé des petites boules blanches sur un arbuste, on appelait ça, les groseilles des indiens.
Faut pas les manger, c'est poison. Je m'en sers pour les quelques dernières installations réalisées en sous bois avec de la mousse. Je suis loin de tout et si proche de moi. Se sentir, petit et fragile dans cette immensité, ne veut pas dire que je suis dans la crainte, car au contraire, mes routes sont difficiles, abruptes, rocailleuses. Ça veut dire, avoir conscience de sa place dans l'univers, de ses gestes. Ça veut dire, laisser monter en soi le rêve, et le réaliser"in-situ". ca veut dire, après bientôt douze années de pratique, partir chaque matin avec l'impression de ne pas savoir grand chose de cet art. J'ai l'impression que le mot "humilité" a été rayé du vocabulaire de bien des gens. Après tout, c'est leur affaire, mais ils ne m'intéressent plus.


Roger Dautais




Ces poèmes choisis pour Thibault Germain,
poète avant tout,
peintre,
homme debout...



La Mort

La mort est comme une montagne hors d'accès

Tu crois
que tu atteins
le sommet

Mais tu comprends un jour
que ses pentes ne seront pas gravies

Ce jour là
la mort te loge.




Il en fut.


Il en fut ainsi cet automne
les feuilles ne tombèrent pas
contrairement
mais
les arbres se tenaient verts
et nous par la main
jusqu'à ce que le destin jaune
me pince
au moment où tombaient les feuilles.



Steinunn Sigurdardottir ( Islande)

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.