La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 19 janvier 2011



















Au passantes de la Côte de Nacre,
car elles marchent dans le silence, les yeux emplis du soleil couchant...





Je marche sur la ligne de crête des falaises qui dominent la côte. Il fait très froid et le vent du Nord qui me cingle le visage a vite fait de me glacer le corps. Un soleil franc et bien présent encore pour quelques heures, m'encourage à poursuivre cette marche vers la plage. A ce moment, j'ai déjà oublié le monde d'où je viens. Le monde, il est devant moi, largement ouvert sur la mer, l'espace, la liberté d'agir et d'aller où je veux. J'ai dans la tête la musique de Reza Aligholi, celle qu'il a écrite pour le film Parvaz (L'envol) d'Ali Badri. C'est comme ça, la musique, elle te viens à l'esprit dans certaines circonstances, certains lieux, comme ici, aujourd'hui, où je vais réaliser de petites choses anodines aux yeux de certains et qui sont le prolongement de ma vie, simplement. Je descend vers l'estran par un chemin creux. Je suis relativement abrité et sans autre pensée que d'aller à la mer et au bonheur de la retrouver
J'arrive sur la plage. La mer descend. L'estran est dégagé. Les pierres qui changent de place sans arrêt, sont remontées jusqu'aux falaises. Certaines dépassent probablement les 200 kilos et la mer les charrie à sa guise. Je vais réaliser une petite série d'exilés, pierres levées coiffées de têtes. Aussitôt levés, ils sont en marche, silencieusement ils partent vers l'horizon. J'aime ce rêve qui transforme la réalité. Sans lui, inutile d'insister, il ne se passera rien. Autant aller courir les soldes!
Je me dirige vers le sable. Certains endroits sont de creux et de bosses, d'autres, lisses comme une feuille de papier. Lorsque le sable est bien damé, bien essuyé, naturellement, on peut y écrire facilement. J'ai avec moi, cette canne de marche Polonaise qui m'accompagne depuis plus de trente ans. Elle est ferrés, avec une pointe à l'extrémité qui me sert aussi à dessiner ou écrire sur le sol. Je commence à tracer une spirale au carré. Bientôt, je vois dans cette forme, une sorte de cerf-volant de combat Afghan. Oui, c'est un cerf-volant, comme dans le film de Ali. Il est tombé là, à mes pieds mais il va reprendre son envol. Je trace une ligne brisée qui s'en va se perdre vers la mer. C'est le lien, de mon rêve à la mer, puis de la mer au ciel. Je suis étonné du plaisir ressenti par ces gestes simples qui accompagnent mes pensées.
Je quitte le lieu et reprend la marche vers le nord est. Une grosse pierre noire, repose dans une espèce de cuvette parfaite, sans doute pleine d'eau au moment de la marée descendante, mais qui s'est vidée pour m'offrir cette forme que je vais transformer. Que n'ai-je écrit sur la mémoire des routes, celle des pierres, aussi. Je vais dessiner dans le sable des bougies allumées tout autour de cette pierre pour la mettre en lumière, pour l'honorer. Deux femmes en marche, s'arrêtent à une dizaine de mètres de là et me regardent. L'une d'elles me sourit. Elles restent un instant, encore, muettes, puis reprennent leur promenade. Je ne saurai jamais ce qu'elles pensaient à ce moment.
Le soleil s'est caché depuis une demi-heure. Il fait vraiment froid. Lorsqu'il réapparait, je suis attiré par quelques pierres mis évidence par cette lumière exceptionnelle. Je vais réaliser un cairn, tellement petit qu'il n'est là que pour capter le soleil, mais si présent, offert à l'espace, à la mer, au temps, qu'il serait dommage de ne pas réaliser ce pur geste d'offrande à la Nature. Je ne peux être ailleurs physiquement, mais mon esprit est très certainement en voyage. Je lève les yeux au ciel, mon cerf-volant est déjà parti, peut-être à Kaboul, pour leur parler d'humanité, de rêve de paix. Il faudrait que cela en soit ainsi.

Roger Dautais

Seules les quatre premières photos sont en relation avec le texte.Ces installations ont été réalisées le 18 Janvier 2011 sur une plage de la Côte de Nacre en Normandie.





Je suis accablée
Ah ! Je suis accablée
Je vais au balcon
Et je passe mes doigts
Sur la peau tendue de la nuit.
Les lumières du lien sont éteintes.
Les lumières du lien sont éteintes.
Personne ne me présentera au soleil
Personne ne m'emmènera à la soirée des moineaux
Garde le vol à l'esprit
L'oiseau est mortel.

Forough Farrokzâdj
Iran

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.