La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 29 mai 2013

Le blues de Mériadec : à Fanny

Pierres de légende: Pour Alain Jegou

Cœur Breton :  à France de Concarneau

Passage : pour Hilge
Cercle de Mériadec
                                     
La part des choses : à Marie--Josée Christien
Six intentions : à Jacques Thomassaint

La tendresse des pierres :  à  Marie-Claude

Occurrences : pour Marilyse Leroux
La porte de  l’isthme : à Guy Allix




La confidence des fougères  : Pour Marty

Flux : pour Patrick Lucas

Le chemin des âmes en peine
 A Louis Bertolom


Le temps est gris. Je roule sur la route de Mériadec et déjà, le blues s'installe. Difficile de résister  à  l'appel de la route et  pourtant, je conjugue ce plaisir de partir avec celui de la nostalgie. J'ai préparé  mon sac  à dos, ce matin : appareil  photo, quelques bouts de ficelle, une paire de ciseaux, un petit sécateur : deux carnets de notes, de quoi écrire, une bouteille d'eau et surtout, le dernier livre de Louis Bertholom  : Bréviaire de sel. Ce que j'ai  pu faire voyager de la poésie dans ce sac  à dos ! C'en est devenu  un rituel.Je compte bien  le faire vivre encore une fois dans le petit pois de Mériadec. J'ai eu vent de ce ruisseau par ma fille qui  m'a décrit ce lieu,  un  peu  à  l'écart, dont l'atmosphère l'avait charmée. Nous avons tellement arpenté ensemble la campagne Dinanaise dans son enfance, qu'elle a gardé le goût de ces longues marches par les chemins de traverse. 
Je pénètre dans le bois et dois franchir une véritable barrière d'orties avant de  pouvoir approcher ce ruisseau. Je me laisse guider par le chant de l'eau et descend  une pente glissante,  jusqu'à  l'apercevoir, les deux rives garnies de fougères. Voici ce que j'ai fait, ensuite.
Je suis descendu dans l'eau et j'ai commencé par écouter les confidences de ce ruisseau. Très important d'écouter les bruits d'un  lieu,  ils nous parlent mieux qu'un long discours. Je me suis mis  à la recherche de pierres susceptibles de constituer de cairns. Je voulais, en effet, les monter, au cœur de cette eau pour qu'ils en deviennent un prolongement,  un jaillissement minéral vers le ciel.  J'ai  monté  mon  premeir cairn,  puis  un deuxième et un troisième. Cela prend du temps. Je suis sorti de l'eau et j'ai  pris en main le livre de Louis Je  l'ai ouvert au hasard, page 75. J'ai  lu ce poème qui commence ainsi
La grande parole
du mouvement  perpétuel
nous relie à l'ensemble,
le brouillon abstrait...
Lues à  haute voix, dans ce  bois de solitude,  il m'a semblé que ces paroles  poétiques s'accordaient parfaitement  à  l'instant. Un bonheur fugace vint dissiper quelque peu, ce blues de Mériadec dont j'étais l'objet bien malgré  moi. La poésie avait ce don de me transformer  profondément et de  me faire voir le monde avec un  peu  plus d'optimisme. Tout n'était pas perdu,  il fallait savoir reculer l'échance.
J'ai continué mes installations, perchant un cairn dans  un chêne,  jouant du bleu des fleurs avec le vert de la  mousse, bâtissant sur un  muret, un talus avant de quitter les lieux.
Un autre jour, je me suis retrouvé dans la région de Quiberon, réalisant des installations présentées ici, sur la Côte Sauvage dont je ne dirai pas grand chose  puisqu'un délicat  observateur de Facebook, m'a dit que je polluais le site avec mes "tas" qu'il espérait ne jamais croiser. Que voulez-vous faire contre une telle attaque ?
Pourtant, j'avais aimé ce jeu avec des pierres assemblées quelques instants avec un lien rouge-passion. Jamais, en presque 15 année de pratique du land art, je n'ai eu le sentiment de polluer le paysage.
Je suis retourné hier dans ce lieu appelé Le Jardin des Mémoires, qui donne sur la rivière d'Auray, pour me ressourcer.
J'entendais l'âme des morts tintinnabuler dans les branches des oliviers où s'accrochaient les mémoires carminées, caduques et frêles des disparus. Mes pierres de silence allaient reprendre en chœur, la chanson de  mon  père. Le ciel était gris, comme l'eau de la rivière au jusant. Être ici  ou ailleurs, devenait pareil. Le temps donné s'écoulait, marquait le tempo du tambour du  monde.Une poignée de cendres, cachait l'herbe du grand repos.S'agitaient au vent des cloches d'argile et le souvenir d'êtres chers, devenus, paysage.
J'ai ouvert au hasard le livre de Louis Bertholom, page 82 . J'ai  lu ce poème qui commence ainsi
Distorsion du temps
dans la plénitude
science de la répétition
qui  nous vient de la vague
tout cela...
Je sais qu'il aurait fallu lire des pages, ne pas extraire ce passage, mais il tombait si bien avec l'instant. Mes pensées se son envolées vers Jacques Thomassaint. J'avais  projeté avec lui, il  y a quelques  mois, au téléphone, de le rencontrer cet été. J'ai aussi pensé, dans ce lieu à Alain Jégou que je ne connaitrai plus,tous les deux,  poètes, tous les deux disparus en quelques mois. Alors, cela m'a conforté dans l'idée de rencontrer l'ami Bertholom, lui, bien vivant, pour conjurer ce sort. La lecture de Bréviaire de sel, me donna l'occasion de  lui rendre hommage ici, en lui consacrant cette page, aujourd'hui.


Roger Dautais



La grande parole
du mouvement  perpétuel
nous relie à l'ensemble
le bouillon abstrait

La magie de la lueur tremblante
hésite  à dissoudre
dans un obscurantisme
qui exalte le progrès
au détrimernt
de la pureté vierge.

" Tu entendais  cette fluidité
te couler calmement
les jours gris
qui te peignaient
pour les  longues veilées
à te soumettre jusqu'à la folie."

 in  Bréviaire de  sel   Page 75



Distortion du temps
dans la plénitude
science de la répétition
qui  nous vient de la vague,
tout cela  à  interroger
sur le bureau des étoiles.

Lorsque le ciel  ploie le paysage
de sa drache,
sur la dune
je me sens  remeonter le musc
comme  une fleur qui se donne.

L'oyat se désaltère
le jour se rétracte, tout respire
à ce moment de grâce
il ne cède en rien aux musées
où l'on a assemblé la beauté.

Louis BERTHOLOM

Bréviaire de sel   
EDITIONS Sauvages Collection Askell Mai 2013

Quelques sites pour mieux connaître Louis Bertholom

http://www.myspace.com/louisbertholom
http://wwwguyallixpoesie.canalblog.com/
http://editionssauvages.monsite-orange.fr
http://ecrivainsbretons.org

samedi 18 mai 2013

Guetteur de jusant : à Eugène Riguidel


Cairn au jusant :Ria d'Auray

S’élever au rythme des pierres Alréennes

Circulation

Mémoires de pierre : à Yanis Petros
La porte du large:  Pointe de kerpenhir. Morbihan

Hommage  :  à Marie-Claude


Trait d'union : à Serge Thébault

Le temple du Soleil Levant : to Fumiyo Suko

L'heure unique : Pour Leovi

L'océane : Pour Alain  où qu'il soit.


à Eugène Riguidel *


Ce que j'ai laissé de vie, ici, en ce lieu que vous appelez "terre"! Loin des  poètes agrégés,  loin des peintres académisés, loin des chanteurs  à voix royale,  loin des slameurs labellisés,  mon corps s'étirait à s'en rompre les os autour de charges que je m'évertuais à transporter dans ma pratique du land art. Des pierres  lourdes, glissées autrefois sur les goémons de l'estran pour me servir de base aux guetteurs de marée toujours  plus nombreux, fixaient mes limites lorsque je tombais de fatigue  à genoux devant elles. Et voilà que maintenant, l'âge venu, les cairns continuaient à s'élever, amis d'un  jour, d'une heure,  peut-être, entre la mer et moi pendant que vous consommiez jusqu'à  l'ivresse de posséder encore  plus dans les hyper dont la démesure me repoussait.
Ce que j'ai appris des pierres, de leur langage qui use les mains, de leur mystère, dépasse ce que l'école  elle-même me refusa, enfant.
Le souffle s'est raccourci,  mon dos s'est courbé, mes cheveux  ont blanchi et ma vue  à baissé, certes. Certains appelaient cela, la vieillesse, bonne  à flanquer dans un fauteuil, capable de  jouir de tout sans effort, de dominer le monde, assis sur un tas d'or. Probablement  pour certains. Comment pouvais-je imaginer qu'en revenant au pays, après trente années d'absence, je me serais contenté de ne rien faire, même si  j'imagine ( assez mal)que pour d'autres, ce soit le rêve absolu? 
Je n'ai pas résisté longtemps malgré le coup de semonce, l'avertissement sévère et sans frais,  l'infarctus. Qu'aurai-je mis de côté dans la pauvre vie,  pour plus tard puisque j'étais déjà dans ce  plus tard ? J'ai découvert, dans cette Bretagne que j'aime, des paysages  à faire pleurer de bonheur, des chemins de traverse qui menaient d'un port à  l'autre. J'ai senti à nouveau mes forces s'évanouir, le besoin d'une halte dans ma vie de marcheur mais je suis reparti de  plus belle.
J'ai retrouvé la pierre, sensible au chant du merle. J'ai,  à  mon tour, monté des cairns, comme  un chant sacré s'élevant vers  un ciel vide. J'ai ressenti cette vibration première, cette vitalité, cette  sauvage envie de vivre libre et de laisser quelques traces le long de  mon chemin qui  m'emmène aux "Grands Jardins",  pour baliser ma vie comme des falots, river droite, rive gauche, tandis que le bateau  d' Eugège* filait au gisant, rejoindre le golfe de tous ses rêves.
C'est  un  peu ce que j'ai vécu lors de ces huit derniers jours, parcourant le Pays d'Auray, découvrant ses labours, ses chemins creux, sa ria, continuant  à faire mes premiers pas dans une région où j'habite maintenant. Apprendre  un pays demande beaucoup de temps, de patience, d'humilité, et, j'aurai probablement disparu avant de le faire totalement  mais je veux profiter de ce bonheur simple et profond qui enrichira très certainement ma vie.

Roger Dautais

*Eugène Riguidel vient de publier un recueil de nouvelles CAP SUR L’ÉTRAVE
http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=19416


Le chantier
déclinait
trois matières précises:
le fer
le bois
la pierre

Pour se trouver
au milieu de soi
il suffisait d'entrer en lui..

 ***

Je n'ai pas eu le temps

de dire  à  mon père

Que c'était du chantier

que vînt  l'idée

d'écrire

un chant

sur le sacré

de ce  monde.

Serge Mathurin Thébault*
 Le chantier. Editions Artchignaned-Auray 2007

*http://sergemathurinthebault.unblog.fr/

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.