La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

mercredi 13 novembre 2013

Camors song : pour Nathanaëlle
Le départ :  pour Tilia
Rite en forêt :  pour Chrys
Enchantements  possibles:  pour Elfi
En silence :  à Marie-Claude
Le rappel Normand : Pour Guy Allix
L'annonce  :  pour Uuna
Présences : pour Patrick Lucas
Le guetteur de Kernours : pour Flo
Solitude mauve :  pour Isabelle Jacoby
Ar c'harrez  : pour Bizak
Le messager ( Fontaine de Kernours): à Louis Bertholom
Le trois niveaux de la connaîssance : pour Fifi
 
Avant la bascule du jour : pour Sasa Saastamoinen


Aux 140100 visiteurs, à ce jour, du Chemin des Grands Jardins, 
avec mes remerciement et mon amitié.
 R.D


Sortie salutaire ou fatale? Quand  on prend la route,on ne sait jamais si  l'on reviendra.Il y a quelques jours, je côtoyais le tumulus de Kernours, ouvrant ma route vers le sud, aujourd'hui, je me sens attiré par le Nord.
Après les fortes  pluies de la nuit passée,accompagnées de grand vent, la route se couvre de feuilles  mortes, par endroits, et devient glissante. Je roule dans la direction de Baud, Pontivy afin de rejoindre la forêt de Camors. Les  lieux-dits défilent :Kerauffret, Bod Kesten, Penher Kreïz, Kerpendu...La croix Jegado.
En traversant ce dernier,  un goût de poisons me vient  à la bouche, et  l'inutile mémoire d'une empoisonneuse qui dût marquer la région à tout jamais.Le temps des digitales est bien passé, pourtant! L'âge aussi qui galope comme les nuages. Voyagerais-je inutilement aujourd'hui, en répondant  à cet  irrésistible appel d'une forêt encore  inconnue  pour  moi et qui,une fois rendu sur place, me laisserait indifférent?C'est un risque.
Je roule vers le cœur de la Bretagne sans oublier que mon travail n'est pas fini sur les côtes. La vie ne me suffira  plus. J'avais imaginé  un achèvement  possible mais c'était une erreur.
C'est le temps des hors et  l'on sent  une inhabituelle circulation dans l'air. On dirait que les cimetières transformés en jardins avec leurs chrysanthèmes de Toussaint,  ont ouvert les tombeaux pour une exceptionnelle permission avant le grand hiver.
J'entre dans le bourg de Camors et je le quitte très vite en obliquant vers la gauche. Trop de lumière, trop de vivants ici, affairés et dont je dois  m'écarter. Je cherche la frontière entre  l'ombre et la lumière,le limès, la vibration  née de  l’obscurité. Il me faut percevoir  l'écho de ma terre Bretonne, de cette terre qui n'en peut  plus de subir et que je dois consoler.
Vaste programme  pour  un vieil  homme, seul. Mais voilà, qu'à peine entré en forêt, l'eau si attendue, apparait. A gauche,  un étang,  à droite  un autre étang. Je m'arrête aussitôt. Ce sera  là.
Je choisis de travailler autour de  l'étang de droite. Il  me rappelle celui de Saint Helen en Côtes d'Armor, avec sa stèle  à Lamenais, puis les poèmes de Xavier Grall, puis encore, le vagabond trouvé mort, les yeux ouverts dans un fossé, non  loin de là. Chevauchement de mémoires enfouies, éternel balancement entre la vie et la mort, vision trop  lourde aussi qu'il me faut évacuer.
Je vais commencer  mon travail.
Le land art ne se résume pas  pour  moi  à une série de  photos que  l'on regarde, faute de  mieux. C'est  une pratique quasi quotidienne, un travail manuel,  un art de vie, un temps consacré.
Mes mains caressent la  pierre humide du muret sur lequel une géographie  improbable est contenue dans les joints de la pierre. Je voyage. J'accompagne ces  routes imaginaires de cupules de chêne et de baies sans quitter des yeux ce lac paisible. Puis, ce sera  un cœur de Toussaint, mauve, cerné de gris, posé sur une  mousse rase. Un peu plus tard, une ribambelle d'étoiles,  m'emporte dans un autre voyage.Je quitte la rive, enjambe un ruisseau sur un  pont de bois et me dirige vers la lumière qui éclaire le haut de  la colline alors qu'ici, la pénombre s'installe déjà entre les châtaigner. Le sous-bois est  humide et nourrit une mousse abondante qui a fini  par coloniser, souches, bois mort et troncs d'arbre. Moment et  lieux choisis  pour capter le temps et le plaquer sur une souche. Cette horloge éphémère réalisée avec des petits morceaux de champignon et deux brindilles, marquera mon passage. Un jeu constant ! J'irai jusqu'à saluer les derniers rayons de soleil, tout en haut de la colline avant de redescendre vers l'étang et reprendre la route.

Quelques jours avant...
J'aurais aimé trouver  ici, l'immobilité d'un vent qui capitule autour du tumulus de Kernours, mais ce sera  pour une autre fois. A mon premier passage, les eaux des sources et du  lavoir se sont mises  à résister et je le comprends. Je dois prendre de la hauteur et travailler dans le bois qui   les surplombe. Il domine la ria d'Auray et contient un très beau tumulus accompagné de tombelles. Instants suspendus que ces  moments  où je me laisse guider pour trouver les pierres rares et libres. Délicieuses émotions qui restent sans  partage. C'est le temps des  hors, les  ombres se chevauchent, s'orchestrent, dansent, explosent quand la  lumière vient les frapper. Ce lieu est habité de  mémoires flottantes, laissant trace. Comment décrire  l'étrangeté des sensations qui  me saisissent. Je navigue entre inquiétude et sérénité. 
Seul le travail manuel va me sortir de  là. Un premier cairn perché sur un énorme rocher est basculé, dans un  premier temps, par le fort vent qui  monte de la ria entre les pins maritimes. Je relève les pierres, en change l’ordonnancement, assure quelques calages, en rajoute une, et le voici, debout, dans le vent, face aux tombelles, éclairé par les derniers rayons de soleil. Instant précieux que cet équilibre partagé entre les éléments.
Je fais le tour du tumulus et de chaque tombelle dont je lie les forces puis je redescends vers les sources. A partir de cet  instant, mes travaux seront enchaînés sans difficulté autour de ces deux sources, et  un  peu  moins facilement dans le grand lavoir aux lentilles sans que je sache  pourquoi. A cet instant, je pense  à Patrick qui m'a indiqué ce lieu et je le remercie.
Sans avoir particulièrement réalisé de travaux de force, je me sens épuisé. Certains lieux sont difficiles  à côtoyer. Je rejoins le chemin qui  borde la Ria. La mer recommence  à  monter. Dans quelques heures  le paysage aura entièrement changé mais il faut maintenant que je rentre rejoindre celle que j'aime et qui compte sur  mon retour.

Roger Dautais



De l'humidité 
de l'humus
surgit
la palpitation du monde
Un mouvement de l'âme
m'accueille
et me fonde
surgi
de l'extrême pointe 
du désespoir
l'ignorance précède
ce qui se tait.

Marie-José CHRISTIEN

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Jos%C3%A9e_Christien


The wind teaches


wind billowing
teaches me
what to do with rain:
hear it, feel it
(my face its pool)
carry it, puff all 
around it, ride it,
line it up, then
unframe the drops
as the ocean
unframes the shore
Ruth Mowry
for Roger
 http://washedstones.blogspot.fr/2013/11/the-wind-teaches.html

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.